L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ont défini officiellement les probiotiques en 2001, comme étant des « micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé, au-delà des effets nutritionnels traditionnels ». S’ils sont généralement associés aux produits laitiers, on les retrouve actuellement dans diverses applications alimentaires aussi bien pour l’homme que pour l’animal. L’utilisation de tels micro-organismes par l’industrie nécessite le recours à des procédés de production et de conservation susceptibles d’altérer l’intégrité structurelle et fonctionnelle des cellules. La lyophilisation, qui agit par combinaison du froid et du vide, est la méthode de séchage la plus répandue à grande échelle pour conserver des bactéries. Si elle apparait comme une solution fonctionnelle pour stabiliser des populations bactériennes en maintenant leur viabilité et en facilitant leur manipulation et stockage, elle reste néanmoins onéreuse et gourmande en énergie. D’autres alternatives comme l’atomisation et la fluidisation existent, mais mobilisent des températures supérieures, avec pour conséquences, des pertes de survie et de fonctionnalité des bactéries.
Les scientifiques du laboratoire « Science et Technologie du Lait et de l’Œuf » (STLO) ont imaginé un procédé simplifié et peu coûteux de séchage par atomisation, maintenant un niveau de viabilité proche de celui obtenu par lyophilisation. Contrairement au procédé classique qui nécessite une première étape de culture du micro-organisme sur milieu optimisé (souvent non alimentaire), suivie d’un rinçage et d’une remise en suspension dans un nouveau milieu avant séchage par atomisation, le procédé mis au point consiste en un séchage effectué directement sur milieu de culture. Outre le gain de productivité, cette simplification du procédé élimine tout risque de contamination aux étapes intermédiaires.
Testé sur deux bactéries probiotiques, l’une fragile (Lactobacillus casei) et l’autre robuste (Propionibacterium freudenreichii), le procédé a démontré une efficacité comparable à celle d’un séchage par lyophilisation, avec des taux de survie respectifs de l’ordre de 40-50 % et de 100 % en fonction des bactéries. Le milieu de culture développé utilise du lactosérum doux, co-produit de l’industrie fromagère abondant et peu coûteux. La concentration en matière sèche de ce milieu, de 20 à 30 % (p/p) d’extrait sec, a été optimisée afin d’obtenir un effet protecteur vis-à-vis des bactéries lors du séchage par atomisation. En effet, nos travaux ont démontré une osmo-adaptation des bactéries via l’accumulation de solutés compatibles (tréhalose, polyphosphates ; figure 1) conduisant à une tolérance accrue à différents stress incluant le stress thermique, et par suite maximisant la survie après séchage. La stabilité des micro-organismes dans le temps a également été vérifiée à 4 et 6 mois, avec des résultats comparables à ceux d’une lyophilisation.
Ce nouveau procédé permet d’envisager une production continue à des coûts énergétiques de 20 à 40 fois inférieurs à ceux de la lyophilisation, compte tenu de la moindre consommation spécifique du séchage par atomisation et de la pré-concentration du milieu de culture. Le procédé breveté semble donc particulièrement adapté à la production de bactéries probiotiques destinées à la santé animale, y compris dans les pays en voie de développement vers lesquels se délocalisent progressivement ces productions. Les probiotiques pourraient ainsi offrir une alternative aux antibiothérapies et constituer une réponse naturelle, efficace, éthique, économique et durable aux problèmes conjoints de rentabilité de production et de sécurité sanitaire. Le secteur de l’alimentation humaine constitue également une voie de valorisation de cette innovation pour la production en masse de probiotiques destinés à des produits de consommation courante.