Digestibilité des protéines, biodisponibilité des acides aminés: comment les mesurer et maîtriser leurs facteurs de variation ?

L’augmentation de la population mondiale, et l’élévation du niveau de vie dans les pays émergents va exercer une pression croissante sur le marché des protéines alimentaires, et pousser l’agro-industrie à diversifier ses sources d’approvisionnement en protéines. Toutes les protéines n’ont cependant pas la même qualité nutritionnelle, en raison de leur composition en acides aminés, mais aussi de leur digestibilité, et de leur biodisponibilité pour les grandes fonctions de notre organisme.

La digestibilité des protéines des produits animaux est relativement bien connue, mais on connait encore peu de chose sur celle des protéines présentes dans les autres aliments sous leur forme consommable par l’homme (végétaux, champignon, algues …). Cette digestibilité peut être affectée par la structure physique de l’aliment et la présence de composants réduisant l’efficacité des enzymes digestives protéolytiques. Cet effet ‘matrice’ peut être fortement modulé par le mode de préparation des aliments.

En collaboration avec des partenaires privés nous avons montré que la digestibilité des isolats protéiques dépend du mode d’extraction utilisé, et qu’il est possible de développer des produits texturés à base de protéines végétales avec une digestibilité équivalente à celle de la viande. Nos travaux ont également mis en évidence l’effet potentiellement négatifs de l’apport alimentaire d’extraits de polyphénols sur la digestion des protéines. Enfin nous avons montré qu’une modification de la matrice alimentaire par traitement thermique, peut impacter l’assimilation des protéines, sans modifier la digestibilité totale, mais en modulant la vitesse de digestion.

Les mesures de digestibilité/biodisponibilité chez l’homme ou l’animal sont difficilement réalisables sur un grand nombre de combinaisons d’aliments et de traitements technologiques. Le développement et la validation de dispositifs ‘in vitro’ devrait accélérer l’acquisition de connaissances, et permettre de préciser la qualité nutritionnelle des différentes sources alimentaires de protéines (actuelles ou futures). Ce critère, d’une importance modérée dans le cadre d’une alimentation pléthorique, prend tout son sens dans le développement de produits destinés à des populations à faible apport protéique (par exemple les personnes âgées).

De l’aliment au repas : au-delà de la caractérisation intrinsèque des aliments, l’effet des interactions entre aliments à l’intérieur du digestif sur la digestibilité des protéines devrait être approfondi.

De la lumière digestive aux tissus cibles : une part importante des acides aminés est ‘séquestrée’ par le tube digestif et le foie, et non-disponible pour les tissus périphériques. L’impact des aliments et combinaisons d’aliments sur cette séquestration reste à explorer.

De la biodisponibilité à l’utilisation métabolique : la digestibilité devrait intégrer une notion de vitesse de digestion, qui conditionne en grande partie l’utilisation métabolique des acides aminés. Comment mesurer/prédire cette vitesse de digestion ?

Contact :
Didier Rémond
Directeur de recherche
UMR Unité de Nutrition Humaine
didier.remond@inrae.fr